Missions Prisons – Jean-Pierre Janvrin
Il y a 3 ans, nous nous rendions avec notre ami Hubert, pour la première fois dans une maison d’arrêt et plus précisément celle d’Angers, depuis Jacques a pris le relais d’Hubert. Le déplacement en milieu carcéral faisait suite à une sollicitation du Gepsa (à l’époque détenteur du marché des formations continues avec le Ministère de la Justice).
Le programme d’intervention s’adresse aux détenus qui doivent, du moins en théorie, être libérés dans les 3 à 6 mois pour regagner la vie civile. Le contenu de la formation était orienté sur les aspects de réinsertion vers la vie professionnelle : connaissance des rouages de fonctionnement de l’entreprise, comment répondre à une offre d’emploi ? les aspects de recrutement, le CV, la lettre de motivation. Pour résumer, nous étions sur un contenu sensiblement équivalent à celui que nous présentons au Greta pour ceux qui connaissent, mais avec un public très, très largement différent.
En arrivant dans ce milieu totalement inconnu de ma part, les sensations sont assez étranges. La première concerne la vétusté des locaux, nous avons vraiment l’impression d’un retour en arrière au moins d’un siècle voire plus, d’immenses halls avec des cellules alignées sur 3 niveaux, une succession de portails en fer…… La deuxième sensation ressentie est le bruit caractérisé par des claquements de portes, la permanence des bruits de clés, le tambourinement par les détenus à la porte de leur cellule….En un mot une atmosphère très particulière et assez pesante.
Une fois passés ces premiers étonnements, une fois passés les différents barrages et contrôles des gardiens qui sont seuls maîtres à bord et d’emblée vous le font savoir, vous vous trouvez face à ce groupe de détenus dont les origines, les connaissances, les expériences sont très diverses. Il faut composer avec cette hétérogénéité tout en précisant que nous ne connaissons pas les faits les ayant amenés à une privation de liberté. Je dois reconnaître que cet exercice est assez passionnant en ce sens qu’il faut « dompter » le groupe, je m’explique : se faire accepter et entendre, ne pas succomber non plus à l’empathie, écouter les stagiaires et redresser, si besoin est, leurs propos qui sont souvent caricaturaux, ne pas hésiter à s’affirmer sur des sujets d’ordre sociétal, social, fiscal, etc…
Aussi, certains d’entre vous peuvent légitimement penser « qu’allons-nous faire dans cette galère » et de répondre que j’ai appris après quelques expériences, à un peu mieux comprendre les difficultés de la détention, probablement aussi se mettre en danger, non pas sur le plan de la sécurité, mais réaliser une intervention singulière dans un milieu ô combien différent de celui que nous connaissons habituellement.
Personnellement, j’en retire satisfaction pour les raisons évoquées ci-dessus mais également pour l’apport réalisé auprès des détenus. Tout en restant modeste, je pense que les privés de liberté doivent entendre des messages « de la vie réelle » plutôt que des ritournelles partagées par les codétenus et qui vont toutes dans le même sens négatif.
Ces interventions sont probablement un verre d’eau versé à l’océan et d’une portée assez limitée, mais nombreux sont les participants à nous remercier en fin de séance surtout sur le fait d’avoir consacré du temps à les écouter. C’est peut-être un premier pas vers la réconciliation avec le monde extérieur.
Jean Pierre JANVRIN
Adhérent ECTI 49